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Les partenaires sociaux critiquent vertement le futur statut d’artiste

Employeurs et syndicats s’accordent sur une lecture très critique du projet de statut d’artiste. Les employeurs fusillent en particulier l’assouplissement du régime chômage, qu’ils refusent d’avaliser.

Artistes, employeurs et syndicats défendent trois visions antagonistes du statut d’artiste. © Shuttersctock. - Shuttersctock.Journaliste au service Culture

Par Alain LallemandPublié le 8/12/2021 à 13:02Temps de lecture: 4 min


Après quelques semaines délicates qui auraient pu voir la rupture de la concertation, le Conseil national du travail (CNT) a formulé ce mercredi un avis qui n’est que partiellement commun, et en tout cas doublement critique face au projet de réforme du statut d’artiste porté par les ministres des Affaires sociales Frank Vandenbroucke (Vooruit), du Travail Pierre-Yves Dermagne (PS) et des Indépendants David Clarinval (MR). En clair, non seulement les fédérations culturelles qui se sont impliquées dans ce projet vont découvrir les nombreuses objections partagées des partenaires sociaux, mais ils vont essuyer un double feu car employeurs et travailleurs y ajoutent leurs critiques distinctes en matière de régime chômage.
Quels sont les points de convergence des partenaires sociaux ? Mis à part le fait qu’ils sont d’accord pour… postposer l’examen de l’articulation entre statut d’indépendant et statut d’artiste, ils sont d’accord pour critiquer le sous-financement récurrent du secteur culturel, et souligner singulièrement la responsabilité des Communautés. Pas question que la sécurité sociale fédérale serve à compenser les inconséquences des entités fédérées. Voilà une unanimité facile.
Autre point d’accord : « si des règles spécifiques peuvent être édictées pour tenir compte d’une situation spécifique propre à un groupe d’individus (NDLR : les candidats au statut d’artiste), il importe de veiller à ce que ces différences de traitement soient objectivement justifiées. » Voilà les artistes rappelés à la nécessaire solidarité intersectorielle avec les autres travailleurs. Plus encore, il ne faudrait pas que l’instauration de nouvelles mesures marque « un retour en arrière sur le plan social » : en clair, pour les secteurs où l’emploi salarié est de rigueur, le statut d’artiste ouvre un possible piège, une précarité accrue.
Notons aussi une convergence de dernière minute sur la réforme du régime des petites indemnités (RPI) : les partenaires sociaux s’entendent pour estimer que les travailleurs reconnus comme artistes ne puissent plus faire usage du régime des arts en amateurs (orientation future des RPI), sauf si la discipline où ils exercent en professionnels n’est pas la même que celle où ils veulent exercer en amateurs.

Commission des arts et périmètre de la réforme


Pour le CNT, la composition floue de la future Commission du travail des arts (aujourd’hui Commission artistes) pose problème, et spécifiquement « se pose la question de l’opportunité de donner une voix prépondérante aux représentants du secteur dans l’interprétation de l’activité artistique et technique dans la mesure où lesdits représentants vont devenir à la fois juge et partie quant à l’interprétation de la nature de l’activité artistique ». Les fédérations culturelles, qui revendiquaient cette « prépondérance », vont d’autant moins apprécier ce point que l’avis fait l’unanimité des partenaires sociaux.
Quant à l’élargissement des compétences de cette commission, le CNT a durci récemment son avis : « cet élargissement proposé des compétences est trop large », « la mission première (…) est constituée par la délivrance de l’attestation de travail des arts », et ceci surtout : « l’Onem reste compétent pour la détermination des droits au chômage ». Les employeurs en particulier martèleront ce point.
Vient alors le point faible de la réforme. Son périmètre – qui bénéficiera ou non du statut ? – n’a pas été défini, pas plus sa traduction mécanique en termes budgétaires. Un peu effrayé, le CNT s’interroge « sur la nécessité d’élargir la notion de travailleur des arts, ce qui peut représenter un groupe important dont il lui semble que l’ampleur n’a pas été mesurée quantitativement ». Et de mettre en avant l’expertise de l’actuelle Commission artistes qui a déjà développé « une jurisprudence importante autour de la notion de prestation artistique ».

L’accès au chômage divise les partenaires


Si ces points vont déjà glacer les artistes, ce n’est rien en regard des positions divergentes des employeurs et travailleurs sur le régime chômage, où le divorce est explicite. Pour les employeurs, l’élargissement de la notion d’artiste aux activités techniques, de soutien, péri- et para-artistiques « entraînera une augmentation incontrôlée du groupe des travailleurs des arts » et une rupture de l’équité avec les autres travailleurs. Quant aux nouvelles conditions d’accès et de maintien au chômage, les « organisations d’employeurs ne peuvent souscrire à ces propositions ». C’est clair, et l’avis ne peut que lister les deux positions antagonistes.

Les représentants des travailleurs, eux, s’opposent à la généralisation de la règle du cachet, et critiquent à leur tour l’élargissement du statut aux « fonctions de soutien », en ce qu’il pourrait étendre la précarité artistique à des travailleurs bénéficiant aujourd’hui d’un emploi stable.
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